ANALYSE COÛT-BÉNÉFICE OU COÛT-EFFICACITÉ
Dans une analyse coût-bénéfice on doit évaluer les dommages dus à l’augmentation de la température moyenne de l’atmosphère de surface et chercher un équilibre entre le coût des réductions d’émissions et le bénéfice résultant de la réduction des dommages. Dans une analyse coût-efficacité, en revanche, on fixera une contrainte, par exemple limiter la concentration de GES dans l’atmosphère, ou limiter l’augmentation de température (par exemple à 1.5oC) et on essayera de satisfaire cette contrainte au moindre coût. En général, les économistes préfèrent l’approche coût-bénéfice, mais dans le cas de l’économie du climat la difficulté de traduire en unités monétaires les dommages écologiques causés par une augmentation de la température atmosphérique et des océans est immense. C’est pourquoi, lors de la COP 21, quand les accords de Paris ont été signés, on a formulé un objectif simple qui est de limiter l’augmentation de température d’ici la fin du 21ème siècle à 1.5oC ou à 2oC dans le pire cas. De plus, la communauté des experts de la dynamique du climat a proposé un concept très facile à prendre en compte dans une approche coût-efficacité, celui de « budget cumulatif d’émissions de sécurité ». Pour maintenir, avec une probabilité suffisamment élevée, l’augmentation de température à moins de 2oC d’ici la fin du 21ème siècle, il faudrait que la somme cumulée de toutes émissions de GES depuis le début de la révolution industrielle (environ l’année 1870) soit inférieure à environ 1000 Gigatonnes de carbone (3600 Gt de CO2). ORDECSYS a donc cherché à intégrer cette contrainte sur le budget cumulatif d’émissions dans une approche coût-efficacité pour évaluer les effets macro-économiques des accords de Paris.
Un modèle de jeu dynamique avec contrainte sur le budget global d'émissions
Olivier Bahn and Alain Haurie. A cost-effectiveness differential game model for climate agreements. Dynamic Games and Applications, Vol. 6, issue 1, pp. 1-19, 2016.
Dans cet article, nous proposons un modèle de jeu dynamique (c'est-à-dire de concurrence) entre les pays industrialisés, émergents et en développement qui doivent, ensemble, respecter une contrainte climatique globale. Pour chaque groupe de pays, un modèle de croissance économique est formulé où peuvent coexister deux types d'économies différentes, appelées respectivement 'low-carbon' et 'high-carbon', ayant chacune des productivités différentes du capital et des émissions dues à l'utilisation d'énergie. Ceci permet de schématiser la nécessaire transition énergétique et ses coûts.
Nous supposons que chaque groupe de pays participant aux négociations a identifié une fonction de dommage, qui détermine une perte de PIB due au réchauffement du climat et a également la possibilité d'investir dans un type de capital (équipement, savoir-faire, etc.) permettant l'adaptation aux changements climatiques. Les accords climatiques que nous considérons ont deux composantes principales : (1) ils définissent un budget global d'émissions pour une période d'engagement et l'imposent comme une limite aux émissions cumulées pendant cette période ; (2) ils distribuent ce budget global entre les différentes coalitions de pays participant à l'accord. Ceci implique que le jeu a désormais une contrainte couplée pour tous les participants aux négociations. Le résultat de l'accord est donc obtenu sous la forme d'un équilibre généralisé ou "équilibre de Nash-Rosen" qui peut être choisi parmi une variété de solutions de ce type. Nous montrons que la famille des équilibres de Nash dans les jeux obtenus par une distribution du budget total entre les différentes parties correspond à la variété des équilibres normalisés. Nous proposons ensuite une répartition équitable de ce budget total d'émission.